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Interview : Moussa Poussy : le grand retour ?
Dites-moi, où est Moussa Poussy ? L’étoile de la musique moderne nigérienne des années 80 s’est-elle éteinte? Que de questions qui brûlent les lèvres des mélomanes, avec une troublante nostalgie pour la voix «seguera», l’arc-en-ciel, qui a su maintenir l’espoir après la disparition de Elhadj Mamane Taya et la retraite prématurée de Madel Idari. Faut-il laisser le temps engloutir un des rares musiciens dont la voix, tel un site anti-érosif, contenait l’invasion Kassav, Nayanka Bell, Aïcha Koné, des célébrités pour lesquelles le Niger était musicalement conquis ?
Interrogé sur son mutisme et sa si longue retraite, l’artiste rompt le silence : «un artiste ne connaît de retraite que la mort. Je ne suis pas un musicien à la retraite. Le fait que le public n’entend plus parler de moi n’est pas synonyme de retraite. Cela veut dire tout simplement que je suis en train de travailler. Mais fort malheureusement, tout le travail que j’ai abattu n’a pu être porté à la connaissance du public, faute de soutien matériel et de sponsor. L’environnement est fait d’incompréhension à l’égard des musiciens. Il faut une réelle politique de promotion culturelle pour faire vendre la musique nigérienne. Faute de volonté politique, le Niger est aujourd’hui, un cimetière de talents».
Né il y a 38 ans, Moussa Poussy est encore plein d’énergie et son élan pour l’avenir n’a d’égal que son ambition pour la jeune musique moderne nigérienne. Dans le silence, il lutte pour que le musicien nigérien monte sur le podium universel du respect et de la reconnaissance. Cela à travers les leçons tirées de la tragédie des aînés. “Il ne faut pas attendre jusqu'à ce qu’un musicien crève de faim ou de maladie banale pour baptiser, à titre posthume, de son nom, un édifice public afin de l’immortaliser. L’artiste n’a pas besoin de cela. Il faut créer les conditions de la réussite de l’artiste, de son vivant. C’est ainsi qu’il accédera à l’immortalité. Une immortalité par le travail bien fait. Un travail, une œuvre qui mettra sa descendance à l’abri du besoin. Qu’est-ce que l’Etat du Niger a-t-il fait pour les familles de Elhadji Taya, Taguimba, Djado Sékou ?” s’interroge t-il plein d’amertume. Cela est d’autant à propos que les excellentes œuvres de l’esprit survivent au temps ainsi qu’aux générations qui se succèdent.
A l’instar d’un homme qui transpire sous une pluie et dont on ne perçoit pas les efforts, Moussa Poussy trime dans l’exercice du métier qui ne nourrit pas son homme au Niger. Dans un tel contexte, la satisfaction morale qui devrait combler le vide des besoins qui s’expriment manque toujours au rendez-vous. Face à cette situation déplorable, Moussa Poussy ne cache pas sa révolte et son indignation. “J”étais attendu du 19 au 24 juin au Festival de musique de New Jersey aux Etats Unis. Je traîne ici pour manque de visas. Aujourd’hui 12 juin (ndlr : date de l'entretien) je reste encore bloqué sans aucune perspective”. Ce grand rendez-vous aurait pu permettre à l’artiste de véhiculer la culture nigérienne là où on la connaît le moins. A l’étranger, surtout quand le Nigérien s’éloigne de l’Afrique de l’ouest, il expliquera en vain qu’il n’est pas du Nigeria. Pour tirer le Niger hors de cet isolement, il faut le faire à travers la culture. Sur ce terrain, le Niger a beaucoup à gagner. Or, c’est sur ce même terrain que le bât blesse. “Pour la réalisation de ma maquette d”une valeur de 894.000F, j’ai introduit trente cinq (35) demandes infructueuses” souligne Moussa Poussy, un cas parmi tant d’autres dans un pays qui a mieux à faire que de se faire connaître à travers la sécheresse, la famine et les conflits fratricides… En dépit de l’environnement morose du point de vue culturel, l’encouragement tant attendu du public nigérien n’accompagne pas les efforts des artistes. Au lieu de “consommer ce que nous produisons”, le consommateur nigérien est prêt à se jeter sur n’importe quelle pacotille, pourvu qu’elle vienne d’ailleurs.
Moussa Poussy, sans aucune complaisance, jette un regard critique sur la musique moderne nigérienne. Selon l’artiste, “la musique moderne évolue et il y a de jeunes talents. Mais il va falloir beaucoup travailler pour sortir la musique nigérienne du ghetto. Ce que je déplore aujourd”hui, c’est que nos musiciens ne voient pas au-delà des prestations lors des cérémonies de mariage et de baptême. Il faut avoir la même approche que Mamar Kassey c’est-à-dire aller au-delà des cérémonies en vase clos. C’est un cercle vicieux. On peut le faire pour un début, mais après il faut viser plus haut. Il y a des festivals sous-régionaux comme le MASA, les nuits atypiques de Koudougou, les festivals européen et américain. C’est là que j’attends nos musiciens”. Puisse ce message être entendu et partagé dans un cadre sans frontières.
Comme on le voit, la réserve de l’artiste n’était ni synonyme d’une retraite encore moins une fin de carrière, mais plutôt l’expression d’une maturité exemplaire.
Cissé Souleymane Mahamane

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